Introduction
La morphologie CAM primaire est un bombement cartilagineux ou osseux de taille variable à n’importe quel endroit autour de la jonction tête-col du fémur, ce qui modifie la forme de la tête fémorale de sphérique à asphérique- [1]. La problématique de la morphologie CAM est qu’elle peut être en lien avec l’apparition de symptômes dans la région de la hanche, nous parlons alors de syndrome de conflit fémoro-acétabulaire. Cependant de nombreux patients restent complètement asymptomatiques malgré la présence de cette morphologie. La morphologie CAM est présente chez près de 20 % de la population asymptomatique- [2].
Il existe une forte association existe entre l’arthrose de hanche et la morphologie cam, qu’elle soit symptomatique ou non. Entre 6 et 15% des patients avec une morphologie CAM développeront de l’arthrose de hanche d’ici 5 à 19 ans- [3]-[4]. De plus, la taille de la morphologie CAM est proportionnelle au risque de développer de l’arthrose de hanche. Cependant, il est important de garder en tête que la majorité des patients ne développeront pas de problématique.
Un des principaux enjeux ici est de comprendre le mécanisme d’apparition de cette morphologie CAM chez les athlètes. La compréhension de ces mécanismes permettra de mettre en place, si cela est possible, des stratégies de prévention primaire dans les populations à risque.
1. Charge d’entrainement et squelette immature
Alors que de nombreuses théories comme le glissement épiphysaire ou bien l’abuttement de la tête fémorale menant à la morphologie CAM ont été évoqués, une étude prospective chez les jeunes footballeurs de Southampton (figure1) [5] a mis en évidence que la morphologie cam primaire se développe pendant la maturation squelettique chez les jeunes adolescents (sans maladie de la hanche actuelle ou antérieure). L’hypothèse alors évoquée est que la morphologie CAM serait une réponse physiologique normale à une activité sportive à forte charge sur un squelette immature.
Figure 1. Nous remarquons ici, une absence de morphologie CAM avant l’âge de 9 ans, suivie d’une apparition progressive avec un angle alpha > 65°, corrélé à une activité physique plus intense, surtout chez les garçons.
D’autres études similaires ont été conduites et ont confirmé cette hypothèse. De plus, la littérature nous suggère que l’angle alpha à l’âge adulte n’évolue pas ou peu- [6].
2. Quel type de sport et quel type de charge ?
Chez les sportifs, le risque de morphologie cam est de 2 à 3,5 fois supérieur à celui de la population générale, particulièrement chez les pratiquants de football, de football américain, de hockey sur glace, de golf et de basketball- [7]. Ces sports ont le point commun d’être considérés comme des sport « Heavy-hip » avec notamment beaucoup de répétitions de contrainte en flexion ou en rotation.
Dans d’autres sports, notamment les sports en ligne ou en décharge, nous n’observons pas la même prévalence de morphologie CAM.
Dans les modélisations biomécaniques de la hanche, une observation remarquable émerge : lors de charges d’impact, des contraintes mécaniques élevées se concentrent de manière significative au niveau de la plaque de croissance et du tissu osseux environnant, là même où la déformation CAM prend habituellement forme- (figure 2). Cette tendance est particulièrement marquée lorsque l’articulation de la hanche est fléchie et en rotation externe. Ces contraintes importantes sont exclusivement observées dans les hanches dotées d’une plaque de croissance encore ouverte. En revanche, dans les modèles où les plaques de croissance sont fermées, les schémas de contraintes élevées se normalisent, suggérant ainsi un lien étroit entre la physiologie de la croissance osseuse et la survenue de la déformation cam- [8]-[9].
Figure 2 [8]
Les modélisations et les données épidémiologiques convergent sur l’idée que sur un squelette immature avec un plaque de croissance encore ouverte, une charge excessive en flexion ou en rotation mène à une adaptation physiologique qui est la formation de la morphologie CAM.
3.Réflexions et prévention primaire
Bien que la prévention primaire soit l’objectif ultime en médecine, de nombreuses questions restent en suspens à la fois sur le plan clinique, éthique et de santé publique.
Devant ces données, une de nos premières idées serait de limiter les charges d’entraînement chez les adolescents pratiquant des sports avec de fortes contraintes en flexion rotation. Cependant, nous ne disposons actuellement d’aucune preuve que la diminution de ces contraintes diminuerait ou ralentirait l’apparition de la morphologie CAM et il est difficile de conseiller à un adolescent, poursuivant son rêve de sportif professionnel, d’arrêter ou de diminuer son entrainement durant une aussi longue période. How much is too much ?
De plus, le screening de cette condition impliquerait de faire des radiographies de contrôle régulières et induirait inévitablement une surconsommation de soins de tous les adolescents à risque.
Conclusion
Le facteur de risque de la morphologie CAM le plus important est la quantité de charge athlétique externe à l’adolescence chez les sportifs pratiquant des sports « Heavy-hip ». D’autres facteurs jouent probablement un rôle (génétique, morphologique…) mais sont encore peu connus. Devant l’augmentation du risque d’arthrose précoce de hanche en lien avec cette morphologie, de nombreuses questions se posent sur la meilleure interprétation de ces données et les meilleures stratégies préventives à mettre en place.
Bibliographie
[1] H. P. Dijkstra et al., « Oxford consensus on primary cam morphology and femoroacetabular impingement syndrome: part 1—definitions, terminology, taxonomy and imaging outcomes », Br J Sports Med, p. bjsports-2022-106085, déc. 2022, doi: 10.1136/bjsports-2022-106085.
[2] V. V. Mascarenhas et al., « Imaging prevalence of femoroacetabular impingement in symptomatic patients, athletes, and asymptomatic individuals: A systematic review », European Journal of Radiology, vol. 85, no 1, p. 73‑95, janv. 2016, doi: 10.1016/j.ejrad.2015.10.016.
[3] P. van Klij, J. Heerey, J. H. Waarsing, et R. Agricola, « The Prevalence of Cam and Pincer Morphology and Its Association With Development of Hip Osteoarthritis », J Orthop Sports Phys Ther, vol. 48, no 4, p. 230‑238, avr. 2018, doi: 10.2519/jospt.2018.7816.
[4] R. Agricola et al., « Pincer deformity does not lead to osteoarthritis of the hip whereas acetabular dysplasia does: acetabular coverage and development of osteoarthritis in a nationwide prospective cohort study (CHECK) », Osteoarthritis and Cartilage, vol. 21, no 10, p. 1514‑1521, oct. 2013, doi: 10.1016/j.joca.2013.07.004.
[5] A. Palmer et al., « Physical activity during adolescence and the development of cam morphology: a cross-sectional cohort study of 210 individuals », Br J Sports Med, vol. 52, no 9, p. 601‑610, mai 2018, doi: 10.1136/bjsports-2017-097626.
[6] M. Pettit, C. Doran, Y. Singh, M. Saito, K. H. Sunil Kumar, et V. Khanduja, « How does the cam morphology develop in athletes? A systematic review and meta-analysis », Osteoarthritis and Cartilage, vol. 29, no 8, p. 1117‑1129, août 2021, doi: 10.1016/j.joca.2021.02.572.
[7] C. Doran, M. Pettit, Y. Singh, K. H. Sunil Kumar, et V. Khanduja, « Does the Type of Sport Influence Morphology of the Hip? A Systematic Review », Am J Sports Med, vol. 50, no 6, p. 1727‑1741, mai 2022, doi: 10.1177/03635465211023500.
[8] R. Agricola et H. Weinans, « What causes cam deformity and femoroacetabular impingement: still too many questions to provide clear answers », Br J Sports Med, vol. 50, no 5, p. 263‑264, mars 2016, doi: 10.1136/bjsports-2015-094773.
[9] P. Roels, R. Agricola, E. H. Oei, H. Weinans, G. Campoli, et A. A. Zadpoor, « Mechanical factors explain development of cam-type deformity », Osteoarthritis and Cartilage, vol. 22, no 12, p. 2074‑2082, déc. 2014, doi: 10.1016/j.joca.2014.09.011.